Deux difficultés s'offrent à nous, à l'heure de présenter dans ses grandes lignes la cosmovision andine à un public spiritualisant plutôt qu'universitaire. Tout d'abord, l'imaginaire New Age, qui a passablement déformé les informations disponibles sur cette question particulière. Ensuite, l'histoire de la culture andine, qui est à l'heure actuelle aussi peu connue que pouvait l'être l'Egypte au XVIIIème siècle. Ces deux facteurs invitent nombre de personnes, plus ou moins influencées par le merveilleux, à extrapoler et élaborer les hypothèses les plus fantaisistes concernant cette partie du monde.
Dés la fin du XIXème siècle, Madame Blavatsky imagina, non sans raison peut-être, qu'existaient deux pôles sexuels et spirituels planétaires d'importance majeure : l'Himalaya et les Andes. Des tunnels passant par le centre de la terre relient ces contrées mythiques, nous dit-on, et ceci expliquerait la ressemblance frappante entre les peuples himalayens et andins, tout comme l'étrange parentée esthétique de leurs cultures chamaniques. Madame Blavatsky annonçait également pour les années 50 du siècle dernier une inversion progressive, imperceptible et continue, des pôles sexuels terrestres. Les Andes, de féminines, allaient devenir masculines, tandis que l'Himalaya allait se féminiser. Le thème de l'inversion des pôles terrestres a été remis à la mode récemment par l'agitation créée autour de la date de fin de cycle du calendrier Maya, et nous verrons plus loin que cette inversion, dans un certain sens, n'est peut-être pas tout-à-fait étrangère aux événements futurs et aux espérances du monde indigène.
Outre Madame Blavatsky, nombre de candidats aux mystères des Andes se firent connaître à partir des années 60 du siècle dernier : Simone Waisbard, Peter Kolosimo, Erich von Däniken, Robert Charroux, James Churchward dressent chacun leur portrait fantastique du second toit du monde et en font tour à tour une colonie extra-terrestre, un foyer de culture pré-humaine, un héritage du continent disparu de Mu. Plus récemment apparaissent les "Prophéties des Andes", les initiations suprêmes de Drunvalo Melchizedek, tandis que d'infatigables aventuriers viennent jusque dans nos capitales occidentales pour y enseigner les savoirs traditionnels à la mode. On trouve ainsi des stages sur les sciences incas de l'énergie vitale, où il suffit de quelques techniques issues des arts martiaux ou autres, renommées avec des termes quechua remplis de fautes et de contre-sens, pour nous convaincre qu'effectivement, c'est bien de tradition andine qu'il s'agit. Bien entendu, un reiki andin a fait aussi son apparition. Le manque d'information sérieuse sur la mystique andine nous rend particulièrement crédules à son sujet, mais peut-on parler d'arnaque quand la victime est consentante et ne veut rien savoir de la vérité ?
De nos jours, des lieux comme Machu Picchu sont envahis par des pratiquants du Nouvel Âge ou de l'occultisme, qui amènent dans leurs bagages leurs propres guides occidentaux. Ils viennent chercher ici les énergies féminines de la terre, les forces de la Pachamama. Nouvelle Californie, la vallée sacrée proche de Cusco est pleine de ces hôtels grand-luxe où s'organisent initiations chamaniques, transmissions andines et messages de la grande fraternité blanche. Bien entendu, il ne servirait pas à grand chose d'expliquer à toutes ces personnes que Machu Picchu, merveilleux site archéologique s'il en est, ne fut pas un centre cérémoniel majeur aux yeux de la culture inca elle-même, pas plus qu'il fut un "chakra planétaire", un endroit particulier dont émanait l'énergie féminine de la nature. Il serait également inutile de faire remarquer que la culture Inca se caractérisa par sa tendance à l'astrolâtrie plutôt qu'aux cultes telluriques et que les anthropologues distinguent aujourd'hui les cultures pré-incas ayant résisté fortement à l'Empire, par la place qu'occupe encore chez elles le culte à la Pachamama, au regard du culte solaire. Quoiqu'il en soit, le tourbillon des énergies féminines de la planète est nettement plus palpable à Tiwanaku et près du Lac Sacré qu'au Machu Picchu. Pour remettre un peu d'ordre dans les idées, ajoutons que si l'évocation des Andes fait de suite penser aux Incas, ces derniers sont loin d'avoir eu l'importance qu'on leur accorde au sein de la culture andine dans son ensemble. Bien qu'existent des livres célèbres intitulés "Tiahuanaco, 10 000 ans d'énigmes incas"(sic), il faudra bien qu'on reconnaisse un jour que cette civilisation, formidable vitrine touristique péruvienne, ne représente au final que 300 ans d'histoire andine. En Bolivie, les incas ne purent asseoir leur autorité sur le peuple colla que pendant 60 ans. Ils succédèrent à des cultures pré-incaïques comparables en splendeur et parfois antérieures à celles de l'Egypte ou de la Grèce, des cultures qui, contrairement aux Fils du Soleil, ont eu parfois une longévité dépassant les 40 siècles. Par conséquent, limiter la sagesse andine au seul domaine de l'empire Inca et qualifier d'incaïque tout ce qui ressemblerait de prés ou de loin à du chamanisme andin, c'est un peu succomber au piège simplificateur que propose la vision new age. Si les incas ont disparu, les aymara, les uros, les kallawaya - qui furent pour ces derniers les prêtres, les guérisseurs et, dans la langue du Capac Simi, les Kallahuayos ou “porteurs du pouvoir" de l'Inca - sont toujours là. Et ce sont eux, les représentants de la culture millénaire andine, la tradition vivante qui hérite beaucoup de la sagesse indigène et, sans doute moins qu'on le pense, de la culture inca elle-même. Ils étaient donc là avant les incas, et ils sont encore là après. Par ailleurs, on aurait tort de limiter leur champ d'excellence au seul domaine du bon sauvage, car les Andes ont été le théâtre des premiers chamanismes urbains au monde et leurs traditions comportent des savoirs mathématiques, symboliques, médicaux, psychologiques, politiques, magiques, astronomiques, architecturaux et métaphysiques, dont l'Occident est encore loin d'apprécier la portée à sa juste valeur. Reste que l'histoire pré-incaïque des Andes est encore à écrire et qu'elle constitue le défi majeur des archéologues et des historiens de ce siècle.
On l'aura compris, les approximations et la désinformation ne sont pas l'orientation que j'ai choisie pour présenter ce que je sais du monde andin. Certes, beaucoup de découvertes (actuellement, les archéologues andins font chaque année des découvertes majeures) posent des questions sur notre façon de concevoir l'histoire du monde. Des pictogrammes mettant en scène des dinosaures et des hommes alors que ceux-ci sont censés n'avoir jamais été contemporains, ou encore, tout récemment près de Tiwanaku, la découverte en 2008 d'une trace de pas qui serait la plus ancienne trace humaine au monde et daterait de 5 000 000 d'années, voilà de quoi jeter un doute sur nos conceptions modernes de l'histoire humaine. Mais je n'ai toutefois pas la compétence d'avaliser ou non le caractère scientifique de ces découvertes et des conclusions qu'on en tire, ni vocation à seulement distraire et émerveiller mon lecteur, ou encore à résoudre les énigmes posées par ce haut-lieu du réalisme magique qu'est l'Amérique du Sud.
C'est pourquoi mon travail va commencer par un commentaire et une analyse modeste de l'organisation générale du cosmos, d'après les symboles du retable de Qorikancha, tels qu'ils furent dessinés et décrits en 1613 par Joan de Santa Cruz Pachacuti Yamqui Salcamaygua, dans ses chroniques intitulées Relación de Antigüedades deste Reyno del Piru. Il me semble que comprendre ou tenter d'appréhender la cosmovision andine est plus urgent et utile que d'émettre les hypothèses occultisantes les plus folles concernant les origines historiques de cette remarquable sagesse, dont Evo Morales assure qu'elle peut sauver le monde de lui-même. Ce sens des priorités à suivre permettra de sentir, peut-être avec plus de force, le formidable mouvement indigène qui anime actuellement les Andes et en quoi ce mouvement, si les USA ne viennent pas s'en méler, peut constituer une excellente nouvelle.
Concernant l'histoire du monde andin, le plus loin à quoi l'on puisse remonter en écoutant la parole des anciens, c'est qu'exista un temps où les hommes, dotés de grands pouvoirs, étaient des titans capables de sculpter les montagnes et façonner les grands lacs. Le soleil n'existait pas. Seule la lumière de la lune, beaucoup plus forte qu'à l'heure actuelle, éclairait notre monde. Lorsque le Soleil se leva pour la première fois, les hommes de l'origine choisirent de vivre sous la terre et ne reparurent jamais. Car mécontent de l'attitude des hommes face au nouveau venu céleste, Viracocha jeta un voile de poussière sur la Lune, qui s'assombrit pour toujours. C'était le temps où le lac sacré était beaucoup plus grand qu'aujourd'hui et où ses rives parvenaient jusqu'à la cité sainte de Tiwanaku. Les géologues confirment d'ailleurs que le lac Titicaca connut des périodes plus fastes que l'actuelle et de nombreux indices suggèrent que la cité éternelle de Tiwanaku fut aussi un port.
Les symboles du rétable de Qorikancha ne disent rien de cette histoire mystérieuse, mais ils nous parlent directement de la vision indigène du monde, telle qu'on peut encore la reconnaître de nos jours chez les Aymara, Quechua, Uros, Q'eros, Kallawaya, etc. Cette vision présente l'avantage d'être radicalement différente de l'occidentale et d'en faire ressortir, lorsqu'on les confronte toutes deux, le caractère hégémonique. Au regard de la monoculturalité occidentale, que les indigènes qualifient souvent de non-culture, la cosmovision andine apparaît comme toute autre et totalement irréductible. Elle constitue une altérité décisive exceptionnelle, capable de changer le regard occidental sur sa propre culture et sur son action dans le monde. Incidemment, elle permet de comprendre pourquoi, à l'inverse d'un René Guénon parti à la recherche d'une unité des formes traditionnelles, Austin Osman Spare trouva plus judicieux de questionner les différences plutôt que les ressemblances des traditions entre elles. Dans le cas de la cosmovision andine, non seulement ces différences sont majeures, mais elles soulignent aussi à quel point des idées et représentations comprises comme universelles sont en réalité limitées à un point de vue localisé. Il ne s'agit donc pas d'inviter les uns et les autres à changer de paradigme, mais d'amener, par le dialogue interculturel, à questionner quelques principes métaphysiques considérés comme absolus, tels que la logique de non-contradiction, le principe du tiers exclu, l'identité, la substance, l'essence (pas de verbe être en quechua et en aymara), la diastase platonicienne entre sujet et objet, esprit et matière, corps et âme, Dieu et monde, axiomes qui tous, ne sont pas de simples abstractions intellectuelles, mais induisent, comme tout placement métaphysique conscient ou inconscient, des attitudes civilisationnelles aux conséquences parfois catastrophiques. Le Un, l'universalisme et l'individualisme - que même les plus subversifs de nos spiritualistes ou de nos anarchistes individualistes peuvent nous présenter comme des fondamentaux initiatiques originaux, alors que l'Occident moderne dans son ensemble repose déjà dessus et en crève - sont les traits marquants et inconscients de l'occidento-centrisme, jusque dans les alternatives qu'il tente encore de proposer. Tandis que le tissu social est en pleine décomposition, on trouve encore des occidentaux pour se plaindre que l'Europe ait vécu ces trente dernières années sous le joug d'un collectivisme excessif et ne soit pas assez individualiste. Il y a pourtant des lustres qu'on ne parle plus de peuple - membrane porteuse d'un rêve vrai vibrant comme un seul homme - et que l'on parle seulement de masse ne se mobilisant plus que pour les coupes du monde de football. Aux yeux des spécialistes de la cosmovision andine, toutes ces non-valeurs, auxquelles on pourrait rajouter la conception linéaire du temps, la notion de progrès et la vision impaire du cosmos induisant une logique exclusive et un refus de l'altérité, sont aux antipodes de la sagesse de leurs ancêtres et expliquent ces maux dont souffre le Premier Monde et qu'il impose au Tiers Monde. Engendrées par la pensée sémitique tout autant que la philosophie grecque, couvrant de leur influence des courants aussi divers que l'aristotélisme, le néo-platonisme, le modernisme ou le post-modernisme, le capitalisme, le marxisme ("nous ne sommes pas communistes, nous sommes communautaires" répète souvent Evo Morales), ces nœuds conceptuels sont dénoncés avec force comme autant de facteurs de destruction et d'oppression, par les chefs de file du mouvement indigène andin. Bref, l'esprit froid et sans passion que dissimule le conquistador du village global sous son étincelante cuirasse humaniste, est actuellement l'objet d'une dissection minutieuse et sans concession dans l'ensemble du monde andin, aussi bien au travers des mouvements sociaux que des universités et des sages indigènes.
Mais revenons à la représentation symbolique du monde de Pachacuti Yamqui. On pourrait lui faire trois reproches quant à l'objet poursuivi. D'une part, comme l'a fort bien remarqué Pierre Duviols, qui fut l'un de mes professeurs à l'université, ce rétable est influencé par des idées catholiques, comme par exemple la création, le dieu unique, l'absence de représentation du monde souterrain. D'autres part, il s'agit de la reproduction tardive d'un document gravé que l'auteur lui-même n'a jamais vu de ses yeux, retranscrit suivant une tradition orale déjà altérée. Et enfin, cette cosmovision est plus particulièrement incaïque et n'est donc pas totalement emblématique de l'ensemble des Andes. Nonobstant ces trois remarques, le dessin cosmogonique que propose Pachacuti Yamqui est du plus haut intérêt, dans la mesure où même christianisé, l'auteur ne parvient pas à se départir de la mentalité andine dans ses traits essentiels. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a si souvent recours à ce dessin cosmogonique dans les universités andines, comme première approche de la cosmovision indigène, puisque même les principes de la chakana s'y trouvent exposés. La première illustration proposée dans ce billet est la reproduction du dessin de Pachacuti Yamqui, tel qu'il apparaît dans le manuscrit n°3169 de la Bibliothèque Nationale de Madrid. Pierre Duviols et César Itier nous en offrent la retranscription dans la seconde illustration. Le commentaire en espagnol de Pachacuti Yamqui est ponctué de termes quechua et aymara nécessitant quelques éclaircissements, de sorte que la troisième illustration propose une retranscription française simplifiée du même dessin. Ceux de mes lecteurs qui ont la chance de connaître la langue de Cervantès peuvent consulter le site internet sur Qorikancha. En bas à gauche de la page, l'onglet intitulé elementos del retablo, permet de consulter une brève explication de chacun des elements du dessin.
Ce texte est déjà très long et c'est pourquoi je vais me contenter, pour ce premier billet sur le sujet, de dire quelques mots concernant les quatre étoiles en forme de croix qui apparaissent au sommet du dessin de Pachacuti Yamqui. Mais auparavant, soulignons une évidence. Dans l'esprit du dessinateur, le cosmos est une maison et en a la forme. Tous les êtres y vivent sous le même toit, dans un rapport d'interconnection, même dieu ou les dieux. Et hors de la maison, il n'y a rien.
La croix au sommet de la maison évoque immanquablement les croix chrétiennes que l'on observe sur le toit des maisons indigènes construite en briques de boue au Pérou. Mais lorsque j'écris qu'il s'agit de symboles chrétiens, il ne faut pas oublier qu'à de nombreuses occasions, ces symboles ne sont en réalité que la façon dont la pensée indigène se revêt pour échapper au regard de l'inquisiteur. C'est ainsi que l'on trouve, au sommet de certains cols (les apachetas) des croix vertes, symboles de vie, qui en réalité sont des christianisations de la constellation de la Croix du Sud. Cette Croix du Sud est à l'origine de cet autre symbole majeur du monde andin qu'est la chakana. Nous en observons d'ailleurs la présence, au coeur de la maison cosmique de Pachacuti Yamqui.
Nous sommes, pensons-nous, parvenus aujourd'hui à une représentation géographique du monde à peu près objective et ne comportant pas de tendance hégémonique ou idéologique cachée. Si je demandais son avis au lecteur sur la carte ci-dessous, sans doute conviendrait-il qu'il s'agit d'une représentation sans a priori, puisque c'est cette même carte que l'on utilise dans tous les pays du monde. Il semble donc qu'aujourd'hui, le genre très particulier de "science" qu'est la géographie subjective ait été abandonné, au profit d'une neutralité que d'aucuns qualifieraient d'objective et scientifique. C'est tout au moins ce que nous pensons.
Toutefois, l'idéologie que représente l'hégémonie de la culture occidentale et des modèles politiques et économiques correspondants n'a pas seulement à voir avec l'étendue du pouvoir globalisateur de ses voies aériennes, médiatiques ou informatiques, mais aussi avec l'ordre du monde tel qu'il est représenté par les idées philosophiques, voire même, scientifiques. Conformément aux mappemondes classiques et reproduites jusqu'à nos jours dans le sens nord-sud, l'hémisphère nord occupe beaucoup plus que la moitié du globe, avec pour conséquence que le sud apparaît comme un simple appendice du nord. Sur les mappemondes classiques et standards, l'équateur n'est pas situé au milieu entre nord et sud, mais plus ou moins aux deux tiers de la distance entre le supérieur et l'inférieur de la carte, de sorte que l'hémisphère sud parait beaucoup plus petit que l'hémisphère nord. De plus, la projection traditionnelle du globe sur un plan élargit de façon exagérée les parties qui se trouvent à l'extrême nord, comme la Fédération Russe, le Groenland, le Canada et les Etats Unis. Sur la projection classique de Mercator (1569), le Groenland est deux fois plus grand que la Chine alors que celle-ci est normalement quatre fois plus étendue. De même, la Scandinavie parait deux fois plus grande que l'Inde, et l'Europe est plus vaste que l'Amérique du Sud. Ce n'est qu'en 1973 qu'Arno Peters a présenté une projection cartographique tenant compte des dimensions réelles. Aboutit-on pour autant à une carte unique et universelle, scientifique et parfaitement non-idéologique ? Pas du tout. Ce genre de conclusion est exactement le mode de croyance universaliste qui communique à l'occidental son sentiment de supériorité, sa propension à l'hégémonie. Et toute la capacité de la cosmovision andine à inverser et confronter ce type de solidifications apparaît à l'occasion, puisque voici comment le monde andin perçoit notre planète :
Voici comment la projection de Mercator peut déformer un visage |
Les conséquences géopolitiques de cette perspective n'échapperont sans doute pas aux spécialistes de ces questions. "Notre Nord, c'est le Sud" entend-t-on souvent répéter dans les Andes. Et ce sont souvent les premiers mots que prononce le maestro lorsqu'on lui demande ce que signifie la Croix du Sud pour l'esprit indigène : " Ici, au sud, voilà comment nous regardons le globe terrestre. Dans la nuit, lorsque nous regardons les étoiles, nous ne regardons pas vers le nord, mais vers le sud, qui est notre nord et notre guide. Pour nous, vu depuis le sud, le nord est la partie inférieure de notre planète. Pour nous, l'Abya Yala (l'Amérique) pointe vers notre nord et les cartes observées depuis le nord sont à l'envers. C'est une question de loi naturelle. Nous regardons au sud quand nous élevons les yeux vers le ciel car là-bas se trouve la Chakana (la Croix du Sud) ; pas au Nord, car depuis ici nous ne regardons pas l'Etoile Polaire qui est au Nord. Les continents ont des pointes fines et légères qui s'élèvent vers le ciel et des bases larges et pesantes qui plongent vers le bas. C'est la vision simple et naturelle de nos sages. Notre nord, c'est le sud, par l'effet de la loi naturelle de la gravité, scientifiquement vérifiable. Et nous voulons cesser d'être à l'envers."
Telle est l'inversion des pôles qui met fin aux ambitions universalistes de nos conceptions locales. Et telle est l'une des possibles leçons de la Croix du Sud, située au sommet de l'édifice cosmogonique de Pachacuti Yamqui. (à suivre)
Le site de Machu Picchu
et son Machula
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